Tribune parue dans Le Monde, 26 mai / Laurence de Cock, coordinatrice de la Fondation Copernic, chercheuse en sciences de l’éducation et professeure d’histoire-géographie au lycée
Selon toute vraisemblance, les jeunes gens dérangent dans ce pays. Ils sont le poil à gratter de l’ordre dominant. C’est que la jeunesse est ingrate, elle n’attend pas que du résultat des urnes surgisse la magie d’un plan de vie. Oui, c’est embêtant, les jeunes souhaitent se passer des conseils des DRH. Indociles, impatients et ombrageux, ils se targuent en sus de vouloir prendre leur avenir en main. Ils protestent, contre une loi qui barre la route à la moitié d’entre eux vers les études supérieures de leur choix ; contre la marchandisation à outrance et contre la lame de fond libérale dans laquelle s’emmure le monde. La jeunesse invente des zones à défendre et à bâtir partout, se rêve une autre vie et redécore quelques murs de slogans poè-li-tiques. Tout cela n’est pas du goût de nos dirigeants.
En l’espace de quelques semaines ont déferlé sur les étudiants et lycéens des vagues de répression : « casseurs », « irresponsables », « écervelés » ou « manipulés » ; à l’unisson ils ont été dépossédés de leur intelligence individuelle et collective par des gardiens de l’ordre qui ont trouvé dans la politique de terreur l’unique expression d’une « pédagogie », comme on dit dans leurs fiches d’éléments de langage.
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