L’hypocrisie de notre pays face aux jeunes est une insulte aux valeurs républicaines. Elle explique la montée de leur exaspération et augure mal de l’avenir. Par Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.
« La jeunesse n’est qu’un mot », écrivait le sociologue Pierre Bourdieu en 1978 [1]. La grande majorité des commentateurs considère que parler « des jeunes » va de soi, alors qu’il n’en est rien. Les jeunes ne forment pas un groupe unifié avec des pratiques et des valeurs communes. L’élévation des niveaux de vie et du niveau d’éducation ont brouillé les pistes. « Si le cadre est commun à tous, les jeunes sont loin d’être tous logés à la même enseigne », écrivent les sociologues Christian Baudelot et Roger Establet [2].
Entre l’intérimaire du bâtiment et l’élève d’une grande école élitiste dont les parents financent les études, les modes de vie et les préoccupations des jeunes n’ont rien à voir. Les pratiques culturelles sont trompeuses pour le monde des adultes qui y voit de l’uniformité alors que, des vêtements aux goûts musicaux, en passant par le langage ou les loisirs, les milieux sociaux se distinguent clairement aussi chez les jeunes. Tout en refusant le misérabilisme ambiant, il faut se rendre compte de ce qu’est la vie quotidienne de centaines de milliers de jeunes en « galère ».
La jeunesse partage cependant des éléments en commun : elle est plus réceptive aux nouveautés, aux nouvelles technologies par exemple. Elle est aussi beaucoup plus souvent marquée par le chômage et la précarité, et les jeunes dans leur ensemble subissent massivement la hausse du prix des logements. Mais ce serait un profond contresens de ne pas observer ce qui fracture cette jeunesse. De l’école à l’emploi, en passant par la santé, les loisirs ou le logement, les jeunes subissent des difficultés ou bénéficient d’avantages liés à leur milieu social.
Pour la jeunesse d’aujourd’hui, c’est moins la situation sociale et économique qui cristallise les tensions que le décalage qui existe entre les discours et les actes de nos dirigeants, comme souvent dans notre pays. Les institutions ne cessent de clamer la nécessité d’aller vers plus d’égalité, de se pencher sur l’avenir de la jeunesse. En pratique, on s’apitoie sur les « enfants pauvres », mais les politiques ne suivent pas pour les jeunes adultes.
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