joli lapsus de la Ministre du travail lors de la présentation, le 18 juin, de la réforme de l’Assurance chômage ! Cette erreur de langage n’est finalement pas si éloignée de la réalité lorsqu’on découvre les 12 mesures portées par le gouvernement.
Les chômeur·euses devront payer
Sur les 3,4 milliards d’euros d’économie sur le régime d’Assurance chômage décrétés par le Premier Ministre dans sa lettre de cadrage d’octobre 2018, 80% seront réalisés sur le dos des chômeur·euses. Pour ce faire, les règles d’accès à une indemnisation du chômage vont être revues de façon drastique, comme s’ils et elles étaient responsables de leur situation, tout en exonérant largement la responsabilité du patronat et du capitalisme financier.
Alors qu’aujourd’hui il « suffit » de justifier d’une activité salariée de 4 mois au cours des 28 derniers mois (pour les moins de 53 ans), il faudra dès le 1er novembre prochain avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois, soit 1 jour travaillé sur 4 au lieu de 1 sur 7 depuis 2009. Cette seule mesure exclurait entre 250 000 et 300 000 sans emplois de l’Assurance chômage d’après les calculs réalisés par l’UNEDIC en début d’année. Cette prévision se basait sur 6 mois travaillés au lieu de 4 tout en conservant les 28 mois comme période d’affiliation. Mais le gouvernement enfonce le clou en ajoutant un critère supplémentaire : une période d’affiliation réduite à 24 mois. Il justifie son choix par une conjoncture plus favorable, des créations d’emploi en hausse et une baisse du chômage.
Pourtant, à y regarder de plus près, le tableau est moins idyllique qu’il n’y paraît. 87% des embauches se font aujourd’hui en CDD ou en intérim ; 30% de ces contrats concernent des périodes de travail d’une journée ou moins et le recours aux CDD de moins d’un mois a été multiplié par 2,5 en 20 ans. Autrement dit, la précarité a envahi le « marché du travail ».
Les différentes réformes (« Loi travail » de 2016 puis « Ordonnances travail » de 2017) ont fragilisé encore plus tout un pan de notre société en pulvérisant le Code du travail et les droits des travailleur·euses. Sous couvert de « souplesse », de « pragmatisme » et d’« efficacité », il fallait « casser la peur de l’embauche » (en facilitant les licenciements), « responsabiliser » les actif·ves - avec ou sans emploi - en leur permettant d’adapter leurs « compétences » aux besoins du marché : par la monétarisation du Compte personnel formation (CPF) et une future appli qui permettra de faire son marché de « compétences » via son smartphone et sanctionner celles et ceux qui pointent tous les mois à Pôle emploi (en renforçant le contrôle de la recherche d’emploi).
Le gouvernement envisage également de revoir les règles de calcul des indemnités chômage. Au lieu d’être calculées à partir des jours travaillés, elles le seront sur le revenu mensuel moyen du travail à partir d’avril 2020. L’argument ? « Faire en sorte que le travail paye toujours plus que l’inactivité » ! Avec cette mesure, le montant global des droits alloués à chacun·e ne devrait pas changer mais cette somme sera étalée sur une période plus longue avec, pour conséquence, une baisse non négligeable du revenu mensuel. Dans un contexte de « chasse aux chômeur·euses », ces dernier·es se retrouveront dans la situation de devoir accepter n’importe quel emploi, dans n’importe quelles conditions, afin d’éviter les sévères sanctions définies par le gouvernement dans le décret du 28 décembre dernier (que Solidaires et plusieurs organisations et associations de chômeurs attaquent). Le Ministère du Travail estime à 690 millions d’ici à 2021 les économies réalisées via ce nouveau mode de calcul.
Les droits rechargeables – créés en 2014 – sont également dans le collimateur du gouvernement. Ce principe permet à des chômeur·euses indemnisé·es, qui reprennent une activité durant leur période de chômage, de recharger leurs droits lorsque ces derniers sont épuisés et ce, sous réserve qu’ils et elles justifient de 150 heures travaillées.
« Le seuil minimum de rechargement sera ramené à 6 mois, au lieu d’un mois aujourd’hui » explique le Ministère. Autant dire que ces droits rechargeables ne le seront plus puisque la durée de travail revient à celle permettant d’ouvrir des droits.
Les premières victimes de cet « Acte II » (se voulant être le volet « social » versus le volet « flexibilité » imposé par les réformes du marché du travail) seront les plus précaires, les femmes, les séniors mais aussi les jeunes pour qui l’entrée sur le marché du travail est toujours un parcours du / de la combattant·e.
Il faut ajouter à ce tableau que l’Assurance Chômage, dont le rôle est de venir en aide aux chômeur·euses, est toujours amputée d’une partie de ses ressources pour le financement du service public de l’emploi. Ce qui revient à faire payer par les chômeurs et chômeuses les emplois et conditions d’accueil qui leur sont dus.
Le retour de la dégressivité
Alors pour ne pas être taxé de « Président des riches », le gouvernement a fait le choix de réintroduire le net par mois.
Pour justifier cette mesure, le Ministère du Travail s’appuie sur une série de chiffres : plus le revenu de remplacement est élevé, plus la période de chômage serait longue. Pour autant, il omet de mentionner que 76% des allocataires touchant les indemnités maximales ont plus de 50 ans. Il oublie également que ce public dit « senior » rencontre des difficultés particulières à retrouver un emploi du fait de son âge.
Quant au principe même de la dégressivité, rappelons qu’il avait été mis en oeuvre entre 1992 et 1996 et qu’une étude de l’INSEE de 2001 avait conclu que sa mise en place avait « ralenti le retour à l’emploi ». De même, un récent travail de l’OFCE fin 2017 a souligné que cette mesure était tout sauf efficace. Mais le gouvernement s’entête. La course aux économies là encore. Et nul doute que la dégressivité imposée à ce public a priori privilégié sera ensuite généralisée à l’ensemble des chômeur·euses.
Bonus-malus a minima
C’était aussi une promesse du candidat Macron : appliquer un « bonus-malus » aux entreprises abusant des contrats courts pour les « responsabiliser » et ainsi « lutter contre la précarité ». Ce sujet brûlant – rejeté par le patronat – avait entre autres conduit à l’échec des négociations de la future Convention d’assurance chômage.
Après de nombreux débats, les entreprises seront mises à contribution. Mais a minima !
Seuls 7 secteurs (sur 38) seront concernés à compter du 1er janvier 2020. Le bâtiment et le médico-social seront exonérés de ce léger dispositif. Il ne concernera que les entreprises de plus de 11 salarié·es. La modulation des cotisations sera faible puisque ces dernières varieront entre 3 et 5% (soit + 0,95% au maximum pour les entreprises pénalisées). Ces variations seront calculées selon le nombre de salarié·es s’inscrivant à Pôle emploi ramené à l’effectif total d’une entreprise. Pour peu que ces travailleur·euses fassent valoir leurs droits à Pôle emploi s’ils et elles en ont ! Concernant les CDDU* (excepté dans les secteurs du spectacle et de l’audiovisuel), ces derniers seront surtaxés de 10€, soit grosso modo une heure de SMIC, cotisations comprises.
De nouveaux droits
Inscrite dans la Loi pour « La liberté de choisir son avenir professionnel », l’indemnisation du chômage des démissionnaires et des indépendant·es sera effective en novembre prochain. Les décrets d’application devraient être pris cet été.
Tou·tes les salarié·es ayant au moins 5 ans d’ancienneté dans leur entreprise pourront démissionner et prétendre à l’Assurance chômage sous réserve d’avoir un projet professionnel. Ce droit sera renouvelable tous les 5 ans, « soit 8 fois dans une vie professionnelles de 40 ans ».
Quant aux indépendant·es, ils et elles se verront allouer une allocation mensuelle de 800 euros pendant 6 mois. L’activité professionnelle devra avoir généré un revenu minimum de 10 000 euros par an sur les deux dernières années avant liquidation judiciaire. Là non plus, ce droit ne sera pas limité dans le temps.
Ces « nouveaux droits » devraient concerner, selon l’UNEDIC, quelques 60 000 personnes tout au plus.
*Le CDDU (d’usage) permet à un employeur d’un secteur d’activité défini d’augmenter ses effectifs en employant rapidement un extra. Ce contrat ne peut être utilisé que pour répondre à des besoins ponctuels et immédiats, pour un poste spécifique, et limités dans le temps.
1000 agent·es supplémentaires à Pôle emploi pour 3 ans
Dans le cadre de cette réforme, « plus de moyens » seront donnés à Pôle emploi. Le gouvernement annonce 1000 embauches mais pour une durée de 3 ans. Il s’engage sur l’arrêt de la diminution des effectifs engagée depuis plusieurs années. L’opérateur public a d’abord subi une baisse de 297 ETP en 2018, puis de 800 cette année. La baisse du chômage (contestée en interne), la dématérialisation à l’oeuvre et les multiples réorganisations effectuées en vue de gagner en productivité justifiaient à l’époque cette saignée.
A cela, il faut ajouter le transfert d’effectifs vers les plateformes de contrôle de recherche d’emploi (600 à ce jour, 1000 à terme).
Alors le recrutement de 1000 agent·es, même s’il démontre que les agent·es de Pôle emploi ont eu raison de se mobiliser massivement en novembre 2018 (près de 40% de grévistes), est bien loin de compenser l’hémorragie des effectifs. La future convention tripartite (feuille de route paraphée par l’Etat, l’UNEDIC et Pôle emploi) sera prochainement signée. Une nouvelle offre de service sera élaborée à cette occasion. On sait d’ores et déjà que l’accent sera mis sur le développement des compétences dans le cadre du « Plan investissement compétences ». De même, un nouvel accompagnement dédié aux « permittent·es » sera proposé… par des opérateurs privés !
Bien qu’au bord de l’asphyxie, les missions de Pôle emploi n’ont pas à être sous-traitées ! Ce qu’il faut, ce sont des moyens humains et financiers à la hauteur des besoins, loin de tous calculs budgétaires et politiciens.
Macron a exprimé une volonté constante depuis son élection, celle de faire prendre par l’Etat les décisions concernant l’Assurance chômage. Il a ainsi commencé par supprimer les cotisations salariales, remettant de fait en cause la logique assurantielle du régime. A la place, une hausse de la CSG – impôt à la main de l’exécutif – dont une partie vient alimenter les caisses de l’UNEDIC, a été décidée pour toutes et tous. On voit ce qu’il en est maintenant de ces décisions.
Les syndicats, dont toutes les déclarations condamnent les décisions prises en ce qui concerne les économies faites sur le dos des chômeur·euses, l’ont bien compris. Au-delà des déclarations, c’est notre responsabilité d’agir ensemble pour faire reculer cette politique de contrôle, diminution des droits, économies et ce, avec les associations de chômeur·euses, les premiers et premières concerné·es. Solidaires SUD Emploi et Solidaires appellent à agir en ce sens.
Un recours contre le décret sur le contrôle des chômeurs et chômeuses
L’Union syndicale Solidaires et le syndicat Solidaires SUD emploi avec les associations de chômeurs et chômeuses ont décidé de déposer un recours contre le décret sorti en catimini à la fin décembre 2018.
Ce décret prévoit de très lourdes sanctions contre les chômeurs et chômeuses accusées à tout va de ne pas rechercher suffisamment un emploi, de ne pas accepter les offres raisonables qui leur sont faites. Le résultat, multiplications des menaces, sanctions et radiations... et pour les travailleur-euses de pôle emploi la double casquette de conseils et de sanctionneur-euses...
Voir le communiqué commun >> https://solidaires.org/La-soumissio...
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