Communiqué AES – « Faut qu’on les tue » : les vidéos documentant les violences des gendarmes à Sainte-Soline imposent des réponses administratives, judiciaires et politiques

A retrouver sur le site de l’Alliance écologique et sociale.

Les images filmées par les caméras-piétons des gendarmes mobiles lors de la mobilisation contre la méga-bassine de Sainte-Soline le 25 mars 2023, révélées par Médiapart et Libération le 5 novembre dernier, sont glaçantes. Elles appuient ce dont les militant·es de nos organisations présent·es sur place ont témoigné : une répression inouïe s’est abattue sur les manifestant·es, y compris des familles, qui participaient à ce week-end de mobilisation en défense de l’intérêt général, contre ce projet d’accaparement de l’eau au bénéfice de l’agro-industrie aujourd’hui déclaré illégal par la Justice.

Propos orduriers et insultants à l’encontre des manifestant·es, émulation malsaine entre gendarmes et entre escadrons chauffés à blanc, jouissance devant des manifestant·es qui s’écroulent touché·es par les tirs, ordres donnés et exécutés visant à blesser, mutiler, tuer, avec des tirs tendus de grenades explosives et lacrymogènes illégaux… Des tirs qui ne relèvent pas de « dérives » isolées et individuelles : dans plus de la moitié des escadrons dont les images ont été révélées, ces tirs résultent d’ordres de gradés clairement audibles et d’encouragements à la violence jusqu’au plus haut niveau de l’État.

Ce jour-là, plus de 4000 grenades en moins de deux heures ont été tirées. Plusieurs centaines de personnes ont été blessées côté manifestant·es, certain·es très grièvement. Parmi elles et eux, nombreux·ses en gardent des séquelles. Dans une forme de stratégie de la tension irresponsable, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, avait justifié la veille ce déchaînement de violence des gendarmes, par la prétendue volonté des manifestant·es de « tuer des gendarmes, tuer des institutions ». Il avait ensuite nié les tirs tendus.

L’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) a saisi ces images dans le cadre d’une enquête préliminaire pour violence par personne de l’autorité publique et non-assistance à personne en danger. L’objectif était de retrouver les auteurs des tirs ayant fait quatre blessé·es grave, mais aucun n’a été identifié. Le procès-verbal de l’IGGN retranscrit par ailleurs de manière très partielle le contenu des images, et aucun gendarme n’a été interrogé à leur sujet.

Face au choc de la révélation de ces images, l’actuel ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a été contraint de réagir : il a demandé à ce que soit ouverte une enquête administrative, confiée à cette même IGGN, qui, alors qu’elle les avait sous les yeux et dans les oreilles pendant plus de deux ans, n’a pas porté à la connaissance du Procureur de la République les infractions caractérisées que ces vidéos démontrent.

Nous exigeons que des enquêtes parlementaires, judiciaires et administratives soient ouvertes immédiatement et menées à leur terme et en toute indépendance, afin que tous·tes celles et ceux qui ont commis ces violences physiques et/ou verbales ainsi que celles et ceux qui ont permis que des agent·es de l’État s’en prennent délibérément à la vie de manifestant·es, soient identifié·es et sanctionné·es.

L’usage disproportionné de la force à Sainte-Soline n’était pas un accident, mais le résultat d’une stratégie délibérée de « maintien de l’ordre », à l’œuvre également contre d’autres mobilisations écologistes et sociales. Nous exigeons une remise en cause profonde des doctrines de maintien de l’ordre en France, et la garantie du respect des libertés publiques et de l’État de droit.