Communiqué :  Rencontre entre la Coord’Eau 34* et des représentants du Département de l’Hérault

Le 12 juin 2024, la Coord’Eau34, invitée par Yvon Pellet, Vice-président délégué à l’économie agricole et à l’aménagement rural du Conseil Départemental 34, a été reçue pour un échange concernant le schéma départemental d’irrigation 2018-2030, dans lequel figurent entre autres les projets de bassines, pudiquement nommées « retenues hivernales ».

La délégation départementale était constituée par Y. Pellet, B. Chabert, M. Tancogne et C. Richard, responsables dans les domaines agricoles, aménagement du territoire et travaux d’irrigation.

La volonté des élus d’être à l’écoute des citoyen.ne.s a été affirmée d’emblée comme le moteur de la rencontre. Pour nécessaire que soit ce préalable, c’est bien pour porter au Département l’absence de réelle démocratie de l’eau que la Coord’Eau34 a répondu à l’invitation.

Nous avons mis en exergue la réponse empressée du Département aux demandes de la Chambre d’Agriculture 34 pour la construction de solutions de stockage et de distribution de l’eau sur un modèle de bassines alimentées par l’eau du Rhône, acheminée via le réseau Aqua Domitia. Nous avons pointé l’incohérence d’investir massivement dans un système d’irrigation qui perpétue une production viticole déjà à bout de souffle, au lieu de prioriser de nécessaires financements sur l’accompagnement des agriculteurs dans une transition vers des productions nourricières.  

Les campagnes de distillation du vin de 2021 et 2023, respectivement financées à hauteur de 210 M€ et 200 M€ par l’Europe et le ministère (donc l’argent des contribuables) étaient surreprésentées, à presque 40%, par les vins du Languedoc-Roussillon et ont été soutenues localement par un supplément du Département à hauteur d’1M€. Malgré cette dernière campagne de distillation, certaines coopératives stockent encore des invendus de 2022 et les agriculteurs ne sont pas payés. La situation viticole est très grave et l’Europe a annoncé qu’elle ne financerait pas de nouvelle campagne de distillation.

A propos des bassines, d’un strict point de vue financier, nous avons mis en avant les chiffres présentés dans les études d’impact : le coût de ces travaux d’irrigation représente en moyenne 12 000€/ha pour les aménageurs publics, la participation laissée à charge aux agriculteurs (après subvention de la Région Occitanie) pour le raccordement et l’usage est de l’ordre de 800€/ha/an irrigué (sans compter le prix de l’eau consommée) et ils peuvent espérer dégager grâce à l’irrigation un gain supplémentaire entre 300 et 950 €/ha/an s’ils parviennent à vendre leur vin. Ce modèle économique est complètement aberrant, à la fois pour les agriculteurs sommés de s’endetter davantage dans une fuite en avant suicidaire pour les petits, ainsi que pour les citoyens contribuables, qui réclament une plus juste répartition de la ressource en eau au profit d’une agriculture nourricière et de la préservation de l’environnement. En outre, ce modèle économique est contraire à la DCE (Directive Cadre européenne sur l’Eau) qui stipule que le recouvrement des coûts doit être intégralement à la charge de l’usager/pollueur, c’est-à-dire dans notre cas l’agriculteur/irrigant.

Nous avons rappelé par ailleurs que le PAT (Projet Alimentaire Territorial de l’Hérault) et le PBACC (Plan de Bassin d’Adaptation au Changement Climatique) produisent des recommandations qui ne sont pas mises en œuvre à travers la poursuite d’une production viticole ultra-majoritaire et subventionnée par les chantiers d’irrigation.

Nos interlocuteurs partagent pour partie nos constats mais misent sur une diversification progressive et volontaire. Selon Y. Pellet l’eau est mise à disposition de l’agriculture et non de la viticulture. Pourtant, au plan technique les lignes d’irrigation et les débits sont spécifiques de la viticulture et au plan administratif les conditions d’autorisation « au cas par cas » stipulent l’interdiction de changer la destination des cultures. Nous soutenons que la puissance publique doit être un moteur du changement en opérant comme prescripteur, formateur et financeur, mais également garant des engagements pris.

La situation de l’ensemble du département vis-à-vis de la ressource en eau est préoccupante, la recharge des nappes n’est pas obtenue avant l’été. Nous devons collectivement penser l’usage de l’eau avec sobriété. Nous avons évoqué le cas préoccupant de Montagnac, où la mairie a vendu en catimini pour 30 000€ un terrain doté d’un forage dans une nappe profonde au groupe Alma, qui commercialise Cristalline. Si avoir accès à une nappe bradée équivaut à un droit illimité à la siphonner, sans que les habitants n’aient rien à en dire, où est la démocratie de l’eau ? Sans compter que le modèle économique et écologique de la mise en bouteille plastique de l’eau potable est une aberration. Nous avons demandé au Département d’agir en soutien au Collectif Veille Eau Grain, qui s’est constitué sur Montagnac pour contester ce projet désastreux. Un contact devrait être pris avec Christophe Morgo, puisqu’il semble que le Département ne partage pas les vues écocidaires de la mairie de Montagnac.

En conclusion, nous retenons que :

  • Le département affirme une volonté d’écoute et de concertation avec les citoyen·ne·s sur la question de l’eau
  • Le département nous appuie pour effectuer une demande vers les présidents des CLE afin de pouvoir y siéger et participer aux PTGE
  • Les projets de stockage ne sont pas encore actés et la dernière série de concertations prévue début juillet devrait être déterminante.
  • Le Département a une conscience aiguë de la crise agricole et pourrait impulser une dynamique en soutien aux agriculteurs désireux de sécuriser leur transition vers des productions locales adaptées, résistantes et vivrières, bien au-delà, espérons-le, des 1,1% des financements prévus par le schéma départemental du plan irrigation 2018-2030.

La Coord’Eau 34

* Coord’Eau 34 est une coordination qui regroupe des collectifs, des organisations syndicales, politiques et associatives et des citoyen.nes, pour la défense de l’eau, contre son accaparement et son gaspillage pour des intérêts privés et pour une réelle démocratie autour des usages de l’eau.