Faire face aux répressions anti-syndicales

Les libertés syndicales sont en grand danger. Cette alarme est renforcée dans un contexte d’extrême droitisation du pays qui fait des syndicats, notamment ceux dits de « transformation sociale », des cibles privilégiées du patronat, de la droite et plus particulièrement de l’extrême droite. La répression anti-syndicale est un des instruments de la peur qu’intime le pouvoir politique ou patronal pour asseoir son autorité. Et qui est identifié comme principal frein à la syndicalisation. Car être syndiqué·e, disposer d’un mandat syndical, c’est souvent faire l’expérience de la répression et de la discrimination.

Étant considéré comme l’un des syndicats les moins dociles et fortement marqué « à gauche », l’Union syndicale Solidaires et ses militant·es sont particulièrement exposé·ees au risque de répression. Le risque est aussi que la voix dissidente de nos représentant·es soit réduite au silence. Dans le contexte d’extrême droitisation des rapports sociaux, tout ce qui porte l’acronyme SUD (comme CGT qui a dénombré qu’un millier de ses militant·es avaient eu à subir des représailles suite aux mobilisations retraites de 2023) ou le nom de Solidaires est devenu une cible prioritaire voire un motif d’interdiction pour les autorités légales et autres préfectures.

Pourtant réprimer les militant·es d’organisations syndicales est puni par la loi : s’y adonner c’est donc prendre le risque de l’illégalité et de se faire condamner pour avoir empêché le syndicat d’exercer ses prérogatives, plus encore de s’opposer à son existence. La liberté syndicale est en effet un droit fondamental, constitutionnellement protégé car essentiel à la garantie de l’État de droit. Des protections de cette liberté sont prévues en matière civile comme pénales. S’agissant de la protection civile du droit de se syndiquer, la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 est ainsi venue compléter l’article L 1132-1 du code du travail prévoyant que : « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales. » En matière pénale, l’infraction de discrimination syndicale est punie de trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende ; sont visés les comportements discriminatoires commis à raison de l’activité syndicale de la personne (art. 225-1 du code pénal). L’infraction d’entrave à l’exercice du droit syndical (L. 2146-1 du code du travail) est punie d’un an d’emprisonnement et 3 750 € d’amende et celle de méconnaissance des règles relatives à la discrimination syndicale (L. 2146-2) de 3 750 € d’amende (7 500 € en cas de récidive). Discriminer un syndicat ou licencier un·e salarié·e pour fait syndical est enfin un des cas prévus qui permet au juge prud’homal d’écarter l’application du barème Macron qui fixe depuis 2017 les limites du montant des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif : les pénalités peuvent être ainsi nettement plus lourdes, le licenciement étant considéré comme nul. Pourtant, malgré les risques légaux et judiciaires, la répression antisyndicale ne cesse de prospérer.

L’analyse des services de l’État et notamment du Ministère du travail est de fait nuancée. Dans une question/réponse au Sénat de mai 2024, l’État considère en effet que même si la liberté syndicale demeure la plus forte, « son exercice ne peut donner lieu à la commission de troubles graves à l’ordre public, à des atteintes aux personnes et aux biens et à des actes d’intimidation ou des menaces, notamment contre les élus ou les forces de l’ordre ». Si la parole des syndicats doit librement s’exprimer comme lors de mouvements de contestation sur des sujets de préoccupation légitimes – mais quels sont-ils selon l’État ? -, les actions menées « en marge » de ces mouvements peuvent porter atteinte à l’ordre public lorsqu’elles prennent la forme d’affrontements violents, et ce indépendamment de la qualité de leur auteur. Toujours selon lui, de telles actions appellent dès lors un traitement judiciaire afin de préserver l’ordre public et de garantir la sécurité des personnes.

En clair, la liberté syndicale existe mais son action est particulièrement encadrée qui plus est instrumentalisée et le prétexte à la répression antisyndicale. Cela est vrai pour le secteur privé comme pour le secteur public. La liberté d’expression y est la règle mais l’obligation de réserve tempère cette liberté, y compris quand elle s’exprime dans un cadre syndical (voir encart).

Face à ce phénomène de répression qui ne faiblit pas voire s’accentue dans un contexte politique toujours plus conservateur et liberticide, il nous faut adopter une stratégie qui, si elle ne parvient pas à l’éviter, donnera les moyens de le combattre.

Nous l’aborderons en deux temps. Un premier sur les répressions dans le monde du travail, la seconde, celle qui se déroule hors des murs de l’entreprise et est dirigée contre les mouvements sociaux [elle n’intègre pas l’aspect GAV vu par ailleurs].

I – Faire face à la répression sur les lieux de travail

La répression anti-syndicale sur les lieux de travail est généralement individuelle, rarement collective. L’enjeu sera de tenter de créer le rapport de force qui ne peut être que collectif.

La répression prend la plupart du temps pour cible les représentant·es jugé·es comme les plus « emblématiques » du syndicat, ses responsables « têtes d’affiches » généralement parmi les plus investi·es et donc en opposition au diktat des directions, celleux dont la mise à l’index (voire pour beaucoup le licenciement) doit avoir valeur d’exemple à l’encontre de tou·te·s celleux tenté·es par l’engagement revendicatif. L’idée est donc de “couper la tête” des meneur·ses pour obtenir la docilité des autres.

A – Premiers réflexes et organisation de la défense

Confronté à des actes empêchant et/ou sanctionnant l’activité syndicale voire menaçant l’emploi lui-même du/de la militant·e, il est important d’informer le collectif syndical et/ou de travail le plus rapidement possible.

Plus la réponse à l’acte de répression est rapide, plus la possibilité d’agir efficacement et d’obtenir gain de cause sera grande. Comme dit, il s’agit de mesures (ou de menaces) de nature individuelle qui produisent chez beaucoup un sentiment d’échec et de honte qui empêche de construire les outils appropriés fondés sur le rapport de force collectif, le/la militant·e estimant souvent que c’est à lui/elle qu’il revient de se sortir de la situation faite. C’est un sentiment normal, mais une erreur d’analyse car un acte de répression vise toujours à individualiser, faire du cas par cas et donc fracturer le collectif (ou son émergence).

En cas de personne isolée (et ne disposant pas de collectif autour d’elle), faire remonter rapidement le cas au niveau du syndicat et/ou de la structure la plus proche notamment interprofessionnelle. Pour discuter ensuite collectivement de la réponse appropriée.

Tous ces actes visant à discriminer ou à empêcher l’action syndicale passent généralement par la voie de procédures légales (comme une procédure de licenciement) que les directions instrumentalisent afin de se débarrasser du gêneur ou de la gêneuse. Ces actes de répression sont même parfois directement en infraction aux règles du code du travail et à celles protégeant la liberté syndicale et à l’exercice des prérogatives du syndicat (sanction pour activité syndicale, licenciement de salarié·e protégé·e sans autorisation de l’inspection du travail…).

Quelle que soit la configuration, l’inspection du travail doit être avertie et saisie de ces situations et cas et ce dès le premier acte de répression ou supposé tel. Mais cela ne suffit bien souvent pas. Il est donc souhaitable de disposer d’un conseil qui puisse intervenir, représentant·e syndical·e dans le public, ou défenseur·e syndical·e aux prud’hommes et/ou un·e avocat·e. La plainte pénale est aussi un outil qui doit permettre de construire le rapport de force.

Une règle : ne rien laisser passer. Ne pas contester un simple avertissement vaut acceptation de la sanction et reconnaissance d’une faute qui pourra être ressortie plus tard.

La construction du rapport de force par le collectif à l’intérieur de l’entreprise ou du collectif de travail (à défaut par une pression extérieure – mobilisations, judiciaire quand le combat à l’intérieur est impossible -) est donc une étape indispensable. Face à la répression patronale, l’unité syndicale devra donc être cherchée. Mais elle est parfois impossible quand les autres syndicats défendant une ligne patronale et participent eux-mêmes à la répression… voire quand ils n’en sont pas à l’origine eux-mêmes ! D’où l’importance de la syndicalisation et de l’implication démocratique des adhérent·es du syndicat pour pouvoir s‘appuyer sur un collectif puissant et soudé. Un soutien extérieur doit pouvoir être envisagé et l’arme juridique être utilisée, au besoin en s’appuyant sur l’expertise du Solidaires départemental s’il en dispose (voir infra).

Le développement de la sous-traitance pour fragmenter les collectifs de travail et la difficulté de pouvoir militer dans un cadre collectif sans risquer la répression patronale sont des enjeux auxquels notre syndicalisme est confronté. La pression exercée par le donneur d’ordre sur son sous traitant pour l’inciter à respecter et faire respecter le droit syndical dans son entreprise est un moyen à mobiliser pour faire cesser la répression. Si elles existent, il est donc nécessaire d’informer la ou les structures syndicales présentes dans la société donneuse d’ordre, plus encore si l’une d’entre elles est affiliée à l’Union pour créer une réaction collective et faire ainsi pression sur l’employeur ! Rappelons que la loi sur le devoir de vigilance de 2017 qui impose aux grandes entreprises françaises d’obliger au respect des droits sociaux et environnementaux sur l’ensemble de leur chaîne de valeur est un outil encore peu employé (réf l’action victorieuse de SUD PTT contre la Poste notamment sur l’aspect sous traitance) pour obliger le respect des droits sociaux par les entreprises sous-traitantes. La pression exercée en interne permet de construire un front large dont la puissance est une des clés pour pouvoir obtenir gain de cause y compris en termes de répression.

B – Visibilisation et médiatisation

La répression prospère dans l’ombre. Utilisant des procédés illégaux ou détournant des procédures pour se débarrasser illégalement du ou de la militant·e, le patronat ou les directions n’assument que rarement leur pratique en tant que telle même à la Poste où elle est pourtant devenue un mode de gestion courante de ses « relations sociales ».

La dissimulation étant la règle, tout élément de preuve ou commencement de preuve doit être systématiquement relevé. Car il s’agit de rendre visible ce qui ne veut pas l’être.

C’est à mesurer au cas par cas avec le collectif, mais les expressions syndicales sont un moyen rapide d’une mise en visibilité qui peut être efficace pour dissuader d’aller plus loin. Pour autant la stratégie patronale peut être de répéter des actions d’intimidation à la portée anodine, la gravité s’apprécie alors par leur répétition sur des durées longues. Une chose est certaine : selon le principe certes contesté et contestable de « qui ne dit mot consent », il ne faut laisser passer aucun fait discriminatoire ni aucune sanction aussi « anodine » qu’elle puisse a priori paraître. Un simple avertissement doit être contesté au conseil de prud’hommes, au tribunal administratif ou dans les instances de défense des personnels. Parfois le fait pour une direction de devoir aller s’expliquer dans un prétoire a son effet dissuasif.

La communication est donc un enjeu essentiel et ainsi, après en avoir mesuré les objectifs et leur utilité avec le collectif syndical, les médias, et/ou les réseaux sociaux peuvent être un vecteur à privilégier et permettre un écho médiatique le plus large possible (n’hésitez pas à vous rapprocher d’un·e journaliste). Le collectif syndical doit démontrer à cette occasion sa détermination à ne laisser passer aucune discrimination, même larvée, et sa volonté de construire un rapport de force. Selon les circonstances, un rassemblement, une pétition, une grève en soutien peut être déclenchée.

C – Établir un rapport de force sur la durée

Si infliger une sanction pour une direction prend peu de temps, se défendre, obtenir sa censure, pouvant aller jusqu’à la réintégration en cas de licenciement et/ou réparation, nécessite presque toujours un temps long, souvent de plusieurs années, surtout s’il faut en passer par la justice, ce qui est généralement le cas. Le temps judiciaire ou administratif est long et le patronat ne cède pas facilement, n’hésitant pas même à passer outre des décisions judiciaires s’il est vraiment décidé à se séparer coûte que coûte d’un·e représentant·e syndical·e. Il s’agit d’installer un rapport de force dans la durée par un soutien psychologique, juridique, financier et donc collectif.

Ce soutien existe quand l’organisation syndicale nationale est importante et en a les moyens. C’est plus difficile quand il s’agit d’une organisation de petite taille ou nouvelle. Solidaires se doit de réfléchir à une réponse plus structurée, mutualisée, qui va au-delà du cas par cas.

II – Faire face à la répression hors les murs du lieu de travail (mouvements sociaux, pressions diverses et variées…)

Depuis une dizaine d’années, la dimension sécuritaire de l’État s’exprime notamment au travers de la répression des mouvements sociaux. Le déploiement répressif, corrélé à une inflation de textes toujours plus liberticides a atteint des niveaux jamais vus depuis une cinquantaine d’années. La répression subie lors du mouvement contre la loi travail, puis par le mouvement des gilets jaunes fin des années 2010 ou encore par le récent mouvement social contre la nième réforme des retraites de 2023 en sont une illustration.

Dans un contexte où la grève est difficile à mettre en œuvre auprès de la majorité du mouvement ouvrier, le rôle de la manifestation a pris une importance accrue. Elle fait donc l’objet d’une attention accrue des pouvoirs publics et ainsi de restrictions justifiées par une « violence » dont les mouvements sociaux seraient l’expression. C’est sans compter les restrictions individuelles par les interpellations et gardes à vue pour l’essentiel injustifiées et qui font l’objet d’un guide spécifique. Tout un arsenal est mis en place, destiné à intimider et à empêcher l’expression d’un droit démocratique essentiel. Le droit d’expression est également entravé par d’autres moyens : la diffamation est un outil également à la mode. Une formation sur cette thématique est actuellement en cours de construction.

S’agissant de la liberté de manifestation, la mode est à l’interdiction de plus en plus systématique dès lors que la préfecture a le moindre soupçon d’une manifestation un peu plus turbulente d’autant plus avec les nouveaux modes opératoires type cortèges de tête et autres black bloc. Tous les territoires ne sont cependant pas exposés de la même manière au risque d’interdiction. Il existe encore beaucoup d’endroits où la manifestation est un droit qui peut s’exercer relativement librement sans craindre l’interdiction et la répression. Toutefois d’année en année ce droit se restreint…

Par ailleurs, quel que soit le lieu, la manifestation est visée à l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 et précisée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 4 avril 2019 comme un droit fondamental « d’expression collective des idées et des opinions ». Tout cela a été ensuite précisé et encadré par divers textes depuis le décret loi du 23 octobre 1935.

Droit fondamental, il n’y a pas d’autorisation préalable à requérir pour l’exercer. Ceci est essentiel au vu des tentatives (entre autres de la droite parlementaire) de vouloir soumettre à régime d’autorisation toute manifestation. Les médias et même des militant·es y compris à Solidaires relaient et/ou confondent déclaration et autorisation, ce qui évidemment n’emporte pas les mêmes conséquences. L’autorisation reviendrait à solliciter du pouvoir la possibilité de le contester, ce qui évidemment ne serait jamais le cas et signerait le basculement en régime de dictature. La manifestation est toutefois soumise à un régime de déclaration :

  • auprès des mairies du lieu où elle est appelée à se dérouler (règle générale),
  • auprès de la préfecture convernée si sur le territoire de la commune concernée a été instituée une police d’Etat (il s’agit des “grandes” villes, à vérifier ici : https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/competence-territoriale-gendarmerie-et-police-nat)
  • pour Paris à la préfecture de Police.

Cette déclaration doit permettre aux autorités concernées d’en assurer la sécurité en y affectant les forces de l’ordre nécessaires. A noter qu’il existe des lieux (par exemple Nantes) où ce régime de déclaration n’est pas nécessaire (ou plutôt son absence est une pratique tolérée). Cela est souvent lié à l’histoire sociale du lieu en question. Une telle libéralité est évidemment à préserver !

Si les autorités publiques, mairie ou préfecture, considèrent toutefois que la manifestation est susceptible de troubler l’ordre public, il lui reste la faculté de l’interdire en tout ou partie. La manifestation doit être déclarée 3 jours francs avant son début (sauf urgence) et peut se faire interdire jusqu’à la dernière minute (il n’y a pas vraiment de délai au-delà duquel la déclaration ne sera pas contestée) ce qui peut rendre sa contestation délicate en raison de délais très courts. Il peut même y avoir un « jeu » avec la préfecture qui a pu, par le passé, interdire la manifestation quelques minutes avant qu’elle débute. À Paris, cela avait nécessité le dépôt d’un recours “préventif”, c’est-à-dire dès avant la publication de l’arrêté d’interdiction tant les délais pour contester étaient ridiculement courts. Ce n’est normalement pas possible, mais la démarche a incité le tribunal administratif à censurer l’arrêté d’interdiction qui a suivi. Cette stratégie a donc fonctionné. Depuis, la préfecture de police de Paris est revenue à un fonctionnement “plus” normal.

La décision d’interdiction peut interdire tout ou partie de la manifestation et doit être motivée. Il s’agit avant d’en arriver à ce stade de tenter de dialoguer et ainsi de tenter de passer outre les motifs de possible interdiction, et, en quelque sorte, indiquer aux autorités publiques que les inquiétudes qu’elles expriment ne sont pas fondées. Pour autant, les préfectures et mairies étant le plus souvent fermées et/ou de mauvaise foi, d’autant qu’elles ont pu prétexter ces dernières années que la présence même de Solidaires était un motif d’interdiction, il est important d’avoir sous la main un·e avocat·e prêt·e à intervenir. Une demi-journée suffit à saisir le tribunal administratif par référé et que celui-ci rende sa décision. C’est une décision toujours fondée sur les faits : il est important donc de faire valoir des éléments fondés sur les faits permettant d’écarter l’hypothèse de troubles à l’ordre public tels que les pouvoirs publics n’auraient d’autre choix que d’interdire en totalité ou partiellement l’événement déclaré. À noter qu’une interdiction (totale ou partielle) doit faire l’objet d’une publication officielle et/ou d’une notification aux déclarant·es (qui peut l’être par voie électronique ou sur les murs de la préfecture/mairie) : c’est une condition de forme qui, si elle n’est pas respectée, est un motif d’annulation. C’est donc à vérifier absolument !

De plus, le référé est une décision prise en urgence. Elle est toujours suivie (bien longtemps après généralement) d’une décision dite sur « le fond » où les juges prennent le temps d’examiner les faits et le respect de la règle de droit par l’autorité qui a publié l’arrêté. Deux arrêts récents pris par le tribunal administratif de Paris ont à ce sujet apporté des éléments importants :

– le fait qu’une manifestation ne soit pas déclarée n’est pas un motif d’interdiction en soi. Il faut que cette interdiction repose sur un motif sérieux et proportionné laissant supposer que seule l’interdiction est de nature à préserver l’ordre public, motif pouvant être soumis à l’appréciation du juge.

– il est possible de se rendre sur le lieu d’une manifestation porteur de matériel de protection (lunettes, casques…) sans se faire verbaliser.

Autres formes de répressions « publiques »

Le pouvoir a produit toute sorte de dispositifs ces dernières années qui tentent de restreindre la liberté d’action, voire la liberté de parole des organisations syndicales.

Ainsi en est-il de deux :

  1. Conséquence de la loi dite « séparatisme » d’août 2021, a été mise en place l’obligation pour les associations de contracter un « contrat d’engagement républicain » (CER) dont l’une des dispositions stipule l’interdiction de « troubler l’ordre public » si elles souhaitent bénéficier de subventions publiques. Depuis, plusieurs associations ont déjà été soit interdites de financement, soit dans l’obligation de rendre ces financements. Certaines ont d’ailleurs contesté en justice les décisions dont elles avaient fait l’objet ou ont dû revoir complètement leur stratégie de financement (voire ont disparu). Certaines collectivités publiques ont été tentées de faire de même avec les organisations syndicales. Une note du Ministère de l’Intérieur du 10 octobre 2022 (NOR : INTD2216361C), signée par Darmanin, a cependant exclu ce cas. Le financement des organisations syndicales obéissent en effet aux règles régies par le Code du travail (art L 2131-1 et suivants). Elles ne sont pas concernées par le CER. Il s’agit donc de l’opposer aux collectivités qui n’en auraient pas connaissance.
  2. À la suite d’un transfert de compétence dans le cadre de la loi sur l’affichage public de la préfecture aux maires depuis le 1er janvier 2024, quelques Solidaires locaux se sont vus infliger des amendes particulièrement lourdes pour des affichages sauvages sur le territoire de communes aux mairies « hostiles ». C’est un acte évidemment de répression auquel il convient de répondre au risque de créer des précédents qui incitent nos ennemis politiques à empêcher un affichage de notre propagande. Une note à laquelle nous renvoyons a été rédigée et publiée sur notre site. Il convient de s’y référer étant donné que le traitement sera judiciaire et que nous pouvons mettre à disposition le contact de notre avocate spécialiste du sujet.

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Quoi qu’il en soit ces éléments non exhaustifs doivent alerter et surtout inciter à l’anticipation. Pour cela, constituer un réseau de défenseur·es et d’avocat·es tant spécialisé·es en droit du travail qu’en libertés publiques est indispensable. À ce titre, le syndicat des avocats de France (SAF) dispose sur son site d’un annuaire qui doit permettre une mise en contact notamment locale si ce n’est pas déjà fait :https://lesaf.org/annuaire. Dans le même esprit, il est utile d’initier des démarches unitaires, en premier lieu avec les syndicats confrontés à ces phénomènes ainsi qu’avec des associations spécialisées dans la défense des droits comme la LDH et/ou investies dans les causes défendues comme les droits des personnes migrantes/réfugiées ou encore le droit au logement. Celles-ci disposent bien souvent de leur propre réseau juridique auquel il est certainement utile de se connecter.

Par ailleurs le groupe de travail Droits, libertés & répressions anti-syndicales est à votre disposition pour toute aide.